L’entêtement
Rafael Spregelburd
lu, vu, entendu par le département Arts Vivants à la médiathèque de Vaise - le 15/01/2013
L’entêtement est le dernier volet d’une série de 7 pièces intitulée L’Hépatologie de Jérôme Bosch. Elle est écrite par le jeune dramaturge argentin Rafael Spregelburd à partir du tableau des Sept péchés capitaux de Jérôme Bosch, et comprenant également, entre autres, La panique, La paranoïa ou encore La connerie…
La pièce
La pièce est centrée sur le personnage d’un commandant fasciste au dernier jour de la guerre civile espagnole, en 1939, dans une petite ville près de Valencia.
Celui-ci possède une liste de noms qui pourrait faire condamner à mort plusieurs personnes de la ville. On se croit alors dans une intrigue policière à suspense. Mais, très vite, la liste est oubliée. Les personnages ne s’occupent plus que d’un dictionnaire, conçu par ce même commandant, qui aurait inventé une sorte de langue universelle, le “Katak”.
Le ton est alors beaucoup plus léger et beaucoup plus farfelu. S’ajoutent à cela des bribes d’histoires secondaires : la fille aînée du commandant veut fuir avec un Américain venu participer à la guerre d’Espagne ; la cadette, victime de crises de neurasthénie, est manipulée par un prêtre quelque peu douteux. La nouvelle épouse a une liaison avec un jeune écrivain sur lequel les deux sœurs, ses belles-filles, semblent fantasmer…
Bref, vous le comprenez, c’est une pièce impossible à résumer. Les personnages sont nombreux, les histoires aussi et on se rend compte qu’aucune n’a vraiment d’importance. On est dans une sorte de nouveau théâtre de l’absurde.
Mais cela reste quand même semble t-il une pièce politique aux niveaux de lecture multiples où il est question de la guerre d’Espagne, de la frontière précaire entre fascisme et démocratie. Au cœur du propos, le langage, ses pouvoirs et ses limites… La pièce rappelle ce que parler veut dire, ce que prendre la parole induit et ce que le langage porte d’essentiel, de vital, d’originaire.
Rafael Spregelburd brouille les pistes, joue du suspens et nous fait beaucoup rire, de ce rire très argentin, noir et grinçant… La pièce est à la fois mystérieuse, inquiétante et burlesque.
L’écriture de Rafael Spregelburd est déstabilisante. La même action est reprise dans un autre lieu et d’un autre point de vue, l’intrigue rebondit chaque fois sur de nouvelles bases, défiant toute linéarité, déjouant les attentes, passant du coq-à-l’âne et du rire à l’inquiétude. C’est une écriture d’une intelligence et d’un humour rares.
La pièce est un défi à toute définition. La pièce est classiquement dramatique avec intrigue, suspense et personnages, mais incroyablement fantastique avec des glissements de mots et du temps. Le spectateur devient enquêteur et tente de rassembler toutes les pièces du puzzle.
Les pièces de Rafael Spregelburd sont toujours un peu énigmatiques, complexes, mais passionnantes même si on ne comprend pas toujours tout… Mais c’est peut être pour cela justement qu’on les aime autant…
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