L’Usage de l’imparfait
Maxime H. Pascal
lu, vu, entendu par bbrerot - le 15/04/2020
Telle une ZAD, ce long poème flambe. Il flambe comme les flèches d'une cathédrale en feu, majestueusement et dans un drame sourd, profond qui se joue en chacun de nous lorsqu'impuissant·e·s, nous ne pouvons qu'être spectatrices et spectateurs de l'effondrement.
Ecrit d’une traite suite à la fermeture d’un lieu de poésie, le texte de Maxime H. Pascal bourdonne de voix, d’ondes, de fréquences et de vibrations. Vies mises à vue, à nue, toutes ces voix sont ici incarnées de parts et d’autres, du tréfond des océans comme de l’univers le plus lointain, dans les sons et les souffles émis par “ces petits peuples de bruits qui expirent”. Ce sont les voix des vies infimes qui habitent aux confins des mondes menacés par les catastrophes nucléaires, industrielles, écologiques, le bouleversement climatique, le désastre économique et les dérèglements neuro-cognitifs dont sont atteints les humains hyper-connectés et reliés par “un jargon planétaire”. Ces voix sont aussi celles des médias, des actualités et fake news, des chats, des fils de discussion, des réseaux sociaux où s’entassent des mots et disparaissent la langue, le lien, la réalité, jusqu’à son propre corps, sa propre pensée :
dans ce silence est-ce que je vais savoir où se trouve ma tête où se trouve l’espace autour de ma tête où se trouve l’espace où se posent les questions où se triturent les sursis où les désaccords reprennent où ronflent les dénis où les absences se logent où les histoires défilent où les états sont seconds où s’agglutinent les monceaux de morceaux de rendez-vous ratés où les manœuvres travaillent où les trous déplacent leurs mélancolies où je trouve des radicelles de lettres perdues des fils de fer syllabes des soupirs de funambules des escarbilles prises du nom de pensées
Poème incandescent, mosaïque, centrifuge, d’où un “je” s’extraie car il y a bien là, quelqu’un qui parle, L’Usage de l’imparfait traite autant de notre imperfection que de notre impossibilité à “être au monde”. Il draine les déficiences de l’époque anthropocène au travers même de la langue d’hier et dont nous faisons encore usage aujourd’hui. Le titre polysémique en témoigne. Il nous amène d’un bout à l’autre de la Terre (Tchernobyl, Fukushima), des océans (les images qui accompagnent le texte sont les sonogrammes d’un chant de baleine bleue entre autre) et du ciel (Laniakea, STEVE), grâce à l’utilisation d’un lexique d’une telle richesse que la saveur poétique démultiplie la portée politique de cette œuvre pénétrante.
L’Usage de l’imparfait
Maxime H. Pascal
éditions Plaine page, 2019
Poster un commentaire