Tableaux d’une révolution
Tino Caspanello
lu, vu, entendu par Hélèna D. - le 10/08/2016
Barricadés à l’intérieur d’un stade de foot, 3 révolutionnaires, tentent désespérément de garder en vie leur désir de révolte.
Les 3 personnages de la pièce sont les derniers résistants d’une révolution dont on ne sait pas grand chose. Ils se nomment respectivement : 137, 584 et 892. Dehors, les autres, les soupçonnent, les surveillent et les attendent. Une femme viendra troubler la vie du clan.
La pièce est composée de 11 tableaux qui font écho à des tableaux de peintres célèbres : Rembrandt, Matisse, Degas, Renoir… Ils ponctuent de leurs univers les dialogues des personnages et soulignent les rapports de force.
Reclus dans ce stade, ils sont ce que la ville refuse de voir, ce qu’elle souhaiterait éliminer. Mais que signifie une révolution totalement déconnectée du monde qui l’entoure ? L’auteur nous parle de l’immobilité et de l’échec, plutôt que la célébration du soulèvement populaire. Cette révolution manquée fait écho à l’histoire de l’Italie.
La langue est très orale et vivante. Les répliques, hormis celle de la femme, sont courtes. Les répliques des hommes sont quasiment monosyllabiques. Beaucoup d’ironie et drôlerie avec ces loosers qui font penser aux personnages des romans policiers de Jean-Patrick Manchette. Mais ce texte interroge aussi. Avons-nous encore une chose pour laquelle lutter ? Aurons-nous encore le courage et la dignité pour le faire ?
Tino Caspanello
Né en 1960 en Sicile, Tino Caspanello est auteur, acteur, scénographe et metteur en scène.
Il est diplômé en scénographie Il fonde la compagnie Teatro Pubblico Incanto en 1993. Depuis, il écrit, interprète et met en scène ses propres textes..
En 2003, il a reçu le prix spécial du jury du Premio Riccione pour Mari, et en 2008 le prix Legambiente de l’engagement civil pour Malastrada, ainsi que le prix de l’ANCT (Association nationale des critiques de théâtre).
En 2014, le texte tableau d’une révolution est arrivé en tête des sélections Eurodram – Réseau européen de traduction théâtrale (Maison d’Europe et d’Orient, Paris).
Extrait
“TABLEAU 1 : Ronde de nuit
584 Une antenne !
892 Tu as volé une antenne !
137 Je ne l’ai pas volée ! Je ne l’ai pas volée ! Je l’ai prélevée !
584 Où ça ?
137 Sur un balcon.
892 Tu es entré dans une maison…
584 Tu es allé sur le balcon…
892 Et tu as… prélevé l’antenne ?
137 Plus ou moins.
584 Et il n’y avait personne ?
137 Où ça ?
892 Dans la maison.
137 Si, ils étaient tous à table.
584 Ils mangeaient ?
137 Tous ensemble ? Mais non ! Ils regardaient la télévision.
892 Et toi tu es entré…
137 Oui, j’ai dit « Bonsoir, il faut que j’aille sur le balcon. »
584 Et eux ?
137 Rien.
892 Rien ?
137 Non, ils n’ont pas dit un mot. Ils avaient l’air effrayés.
[…]
584 Tu as volé une antenne !
137 Je ne l’ai pas volée ! Je ne l’ai pas volée ! Combien de fois faut que je te le dise ? Je l’ai juste prélevée. Je… je n’ai jamais eu d’antenne, tu comprends ?
892 Vous n’aviez pas la télé ?
137 Si.
584 Et comment vous faisiez pour la regarder ?
137 Mon père avait raccordé notre télé à l’antenne des voisins. Ils ne se sont jamais aperçus de rien.
892 Ah, mais c’est un vice de famille, alors !
137 Quoi ?
584 Ton père, lui aussi il avait volé…
137 Prélevé ! Mon père avait prélevé un peu de signal. On était pauvres. On n’avait rien à bouffer. Point barre !
892 D’accord, mais on n’a pas besoin d’une antenne.
137 Non ?
584 Non. On n’aura pas la télé.”
Hélèna du département Arts vivants à la médiathèque de Vaise
Voir dans le catalogue de la BML
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