Ninon Vallin, une voix d'or
Publié le 01/12/2011 à 00:00
- 13 min -
Modifié le 30/09/2022
par
Admin linflux
Sommaire1. En souvenir de Ninon Vallin
21. En souvenir de Ninon Vallin2
Il est difficile aujourd’hui d’imaginer la popularité de cette chanteuse qui a dominé la scène lyrique jusqu’à la fin des années 50. Ses apparitions sur scène toujours marquantes, les nombreux enregistrements qu’elle a réalisés (plus de 450 disques) et les diffusions sur les radios la font connaître et apprécier de millions de foyers. Chaque discothèque digne de ce nom se doit alors d’avoir un 78 tours de Ninon Vallin ! De plus, sa personnalité empreinte de simplicité attire la sympathie. Ne l’appelle-t-on pas familièrement “La Ninon” ?
Pour célébrer l’anniversaire de sa mort, 4 communes chères à son cœur se sont associées pour créer le Festival Ninon Vallin : Montalieu-Vercieu, Nantoin, La Côte-Saint-André en Isère et Millery dans le Rhône. Au cours des concerts donnés, du 4 au 7 novembre 2011, des artistes de renom comme les sopranos Sylvie Valayre et Amy Blake notamment, ont interprété des œuvres du répertoire de la célèbre cantatrice.
Tout au long de l’année 2011, se déroulent dans ces quatre villes, des expositions, des conférences et des travaux pédagogiques destinés à faire participer les élèves des écoles. Depuis février, plus de mille enfants de 5 à 11 ans ont réalisé des œuvres inspirées de Ninon Vallin et de la musique. Certains d’entre eux sont montés sur scène pour chanter des airs lyriques et d’opérettes appris pendant l’année scolaire. L’autre but affiché étant aussi de démocratiser l’art lyrique en milieu semi-rural comme le souligne le Président du festival. Un musée virtuel consacré à la célèbre chanteuse a également été créé : il est accessible depuis le site du festival. Le grand peintre lyonnais, Jean Fusaro, qui l’a connue dans son enfance, lui a dédié une toile.
22. Une carrière exceptionnelle2
Native du Dauphiné comme Berlioz, dotée d’une très belle voix de soprano, c’est à Lyon que Ninon Vallin entame son apprentissage. Elle suit les cours du Conservatoire où elle obtient le premier prix de chant en 1910. Eugénie, bien vite surnommée Ninon termine ses études à Paris, obtient de petits rôles aux Concerts Colonne et donne quelques récitals. En mai 1911, la chance lui sourit : elle est engagée pour la création mondiale du « Martyr de Saint Sébastien » de Claude Debussy, la chanteuse en titre s’étant désistée. Sa prestation impressionne. C’est le début d’une longue et brillante carrière de plus de 50 ans. Dès l’année suivante, elle débute à l’Opéra-Comique où elle chante Micaëla dans « Carmen » de Bizet. Elle élargit sans cesse son répertoire : « La Bohème », « Manon », « Werther », « Louise », « Les Noces de Figaro », « Paillasse »…
Ses capacités vocales lui permettent d’interpréter de nombreux rôles, aussi bien de soprano que de mezzo. Il faut ajouter à cela une grande sensibilité et une solide culture musicale. Des compositeurs comme Manuel de Falla, Reynaldo Hahn, Federico Mompou, Gabriel Fauré, Maurice Ravel lui dédicacent plusieurs de leurs oeuvres. Debussy qui lui dédie « Trois poèmes de Mallarmé », ne dit-il pas qu’il est « amoureux de cette voix pailletée d’argent » ? Robert de Fragny dans
50 ans de vie culturelle à Lyon
parle d’une « voix de paradis égale dans tous les registres, rossignol ici, ou « Carmen » là, et avec la même aisance ». Respighi la choisit pour créer son ouvrage « Marie l’Egyptienne » sous sa direction en juin 1934. Gustave Charpentier la demande pour son opéra « Louise ». C’est l’un de ses rôles fétiches avec Carmen, Manon, Mimi…
En 1916, le directeur du célèbre théâtre Colon à Buenos Aires lui propose un contrat. Elle chante Marguerite du « Faust » de Gounod devant le président de la République, les ambassadeurs et la haute société argentine. Le public lui réserve un triomphe et l’adopte. Partie pour une tournée, elle va passer plus de 15 ans en Amérique du Sud, en plusieurs épisodes. Elle interprète la plupart des grandes œuvres du répertoire français, mais aussi des rôles dans « Tosca », « Norma », « Mefistofele »… Elle a pour partenaires les plus grands chanteurs de l’époque : Caruso, B.Gigli, Tito Schipa, Georges Thill.
Désormais, elle poursuit une éblouissante carrière internationale. Des contrats l’emmènent en Amérique du Nord et bientôt dans le monde entier. Elle se produit sur toutes les grandes scènes : New-York, Milan, Toronto, Rio de Janeiro, Moscou, Vienne… Voyageuse infatigable, elle fait plusieurs fois le tour du monde, à une époque où, pour traverser l’Atlantique, il faut emprunter le bateau.
Curieuse d’autres cultures, elle enregistre des mélodies péruviennes en langue quechua. Lors d’une tournée triomphale en Nouvelle-Zélande en 1949, elle rencontre des Maoris et partage leur patrimoine musical. En 1951, elle est amenée à créér et diriger la classe d’opéra du Conservatoire de musique de Montevideo en Uruguay où elle enseigne le chant. Elle a toujours à cœur de partager son art.
Toute sa vie, Ninon Vallin est restée très attachée à sa région d’origine qui, en retour, perpétue son souvenir. Ainsi, Montalieu-Vercieu, sa ville natale, possède aujourd’hui un auditorium de grande qualité de 350 places. Il porte le nom de l’artiste et, régulièrement, des manifestations sont organisées en son honneur.
De même, la petite commune de Nantoin, berceau de sa famille, a donné son nom à l’une de ses places. C’est là que la diva a commencé à chanter à l’église, le dimanche. Lors du 100e anniversaire de sa naissance, en 1986, le village lui a rendu un émouvant hommage.
Bourgoin-Jallieu représente aussi une étape importante pour la chanteuse : en 1909, on lui donne pour la première fois, le rôle principal dans un opéra, « Ruth », au théâtre de la Glacière aujourd’hui disparu.
Le 7 juillet 1935, Ninon Vallin se produit sous les halles médiévales de La Côte Saint-André, patrie de Berlioz, pour l’inauguration du musée éponyme. En présence d’Edouard Herriot, maire de Lyon et ancien président du Conseil, et de Paul Claudel, elle chante la « Damnation de Faust » du célèbre compositeur. C’est un grand succès. Le personnage de Marguerite constitue l’un de ses rôles de prédilection. Elle l’interprète plus de 60 fois au cours de sa carrière. En 1938, elle l’incarne à nouveau lors de l’inauguration du Théâtre antique de Vienne restauré. Aujourd’hui, le Musée Hector Berlioz conserve un fonds documentaire important sur Ninon Vallin : photographies, correspondances, programmes, disques, revue de presse…
En août 2011, le festival Berlioz a rendu hommage à celle qui fut l’une des célèbres interprètes du musicien.
En 1926, Ninon Vallin acquiert une belle propriété « La Sauvagère » à Millery, dans les Côteaux du Lyonnais. C’est une maison refuge où elle se repose en famille et reçoit beaucoup, avec une grande générosité. Durant toute sa vie mais surtout à la fin, elle consacre une grande partie de son temps à l’enseignement, toujours soucieuse de transmettre son art. Peu à peu, elle transforme sa demeure en école de chant où elle accueille l’été, bénévolement, des élèves du monde entier. Parmi eux, Luis Mariano, Georges Guétary, Rita Gorr… De plus, chaque jeudi, elle ouvre les portes de son domaine aux enfants du village. Dans le parc, elle fait aménager un théâtre de verdure où l’on donne des concerts et des opérettes au profit d’œuvres caritatives. A la fin de sa vie, elle enregistre « Véronique » d’André Messager et « Ciboulette » de Reynaldo Hahn. La « Dame de Millery » comme on la surnomme participe pleinement à la vie du village. “Pendant plus de trente ans, Ninon Vallin fait de sa résidence un lieu de musique, d’émotions partagées, d’amitié, de convivialité et de paix” écrit son biographe actuel, P. Barruel-Brussin.
Malheureusement, en 1959, elle est obligée de vendre sa chère Sauvagère et s’installe dans un petit appartement à Sainte-Foy-les-Lyon. Elle meurt dans une clinique lyonnaise en 1961, un 22 novembre, jour de la Sainte Cécile, patronne des musiciens. Son souvenir reste gravé dans la mémoire de nombreux habitants de la commune où elle est inhumée. Un médaillon sculpté à son effigie orne le square Ninon Vallin.
A quelques kilomètres de Millery, Lyon représente un autre lieu de prédilection pour Ninon Vallin. En effet, après sa formation, c’est là qu’elle effectue ses tout débuts, salle Rameau. C’est encore là qu’elle reçoit en 1925, la Légion d’honneur au cours d’une cérémonie organisée par la Société des Grands Concerts. A cette occasion, elle chante « Schéhérazade » de Ravel. Elle aime beaucoup revenir à Lyon et le public l’apprécie particulièrement.
Pendant la Seconde Guerre mondiale notamment, elle tient de grands rôles à l’Opéra. « La Dame de Millery illumine les heures sombres de l’Occupation, superbe Carmen, touchante Comtesse dans les Noces ». A cette époque, la présence du directeur et metteur en scène Roger Lalande ainsi que du chef d’orchestre André Cluytens contribue à la qualité des spectacles. Le 15 octobre 1942, « Ninon » se produit dans “Carmen” de Bizet. Le Tout Lyon est là ainsi que de nombreux Parisiens célèbres réfugiés. La représentation marque les esprits. Détail pittoresque : pour « faire plus vrai », on a même réquisitionné des chevaux de la caserne de la Part-Dieu.
A Lyon aussi, fidèle à sa vocation pédagogique, elle donne des cours de chant au Conservatoire, d’abord de 1936 à 1939, et ensuite après 1942.
Aujourd’hui, une salle porte son nom tandis qu’un petit square à la Croix-Rousse perpétue sa mémoire. Le Dictionnaire historique de Lyon lui consacre une notice.
26. Dans le sillage de Ninon Vallin2
De nombreuses cantatrices défendent aujourd’hui les couleurs du chant lyrique et de la mélodie. Dans la région lyonnaise, comment ne pas songer à Natalie Dessay née en 1965 à Lyon et qui poursuit une brillante carrière internationale. En janvier 2012, elle interprète « Manon » de Massenet à l’Opéra Bastille et son prochain disque sera consacré à Debussy.
On peut citer aussi Perrine Madoeuf, jeune soprano native également de Lyon. En décembre 2011, elle participe, salle Gaveau à Paris, au spectacle imaginé par Eric-Emmanuel Schmitt autour de son roman « Ma vie avec Mozart ».
Anne Delafosse-Quentin s’illustre dans le domaine de la musique ancienne. Elle a chanté dans des ensembles comme « Doulce mémoire » et se consacre aussi à l’enseignement.
En Isère, on remarque la soprano Simone Marmonnier dite Simone Saint-André (1926-2009). Née à la Côte-Saint-André (comme Berlioz !), elle a été l’élève de Ninon Vallin.
Pour en savoir plus
Quelques ouvrages Ninon Vallin par Patrick Barruel-Brussin, , Ed. P. Barruel-Brussin
Ninon Vallin, princesse du chant, par Robert de Fragny, Editions et Imprimeries du Sud-est
Divas : les interprètes de Berlioz, catalogue sous la direction de Chantal Spillemaecker, Musée Hector Berlioz
Ninon Vallin : 1886-1986, Association Fêtes et musique
Entre Isère et Rhône, festival Ninon Vallin 2011
Ces lyonnaises qui ont marqué leur temps, par Jean Butin, Editions lyonnaises d’art et d’histoire
Trois siècles d’Opéra à Lyon, catalogue rédigé par Gérard Corneloup, Bibliothèque municipale de Lyon
De nombreux articles dans la presse et la base Europresse consultable à la Bibliothèque : Généalogie et histoire , n°123, septembre 2005
Le Dauphiné libéré : éd. Bourgoin-Jallieu, 1er-10 novembre 2011
Essor. Edition du Rhône, 14 oct. 2011 : se souvenir de Ninon Vallin.
Opérette, novembre 2011 : hommage à Ninon Vallin
Discographie
La Bibliothèque municipale possède de nombreux enregistrements
78 et 33 tours à consulter sur place et quelques disques compacts à emprunter (Ninon Vallin seule ou en compagnie d’autres chanteurs)
Sur Internet et dans le commerce, on trouve un certain nombre de rééditions en disques compacts.
Ninon Vallin : documents audios, photos, ouvrages ? Voir
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