Chasseurs d'images
Raton et Munch, les maudits de mai 68
Photographe : Georges Vermard, 1970.
Publié le 10/04/2018 à 10:12 - 2 min - par dcizeron
La nuit du 24 mai 1968, dramatique, a profondément marqué l’histoire de mai 68 à Lyon. Ce fut une nuit de cortèges, de heurts, enflammé, sanglante, une montée aux extrême après plusieurs jours de manifestations sans incident. Ce sont les premières barricades qui ont poussées rue Vendôme, rue Corneille, cours et pont Lafayette.
24 mai 1968, sur le Pont Lafayette, à 23h40, un camion–bélier fonce sur le service d’ordre. Il s’agit d’un véhicule sans conducteur dont la marche est maintenue par un pavé placé sur l’accélérateur. Il heurte un lampadaire. Est dévié. Touche, sans doute, à l’épaule le commissaire principal René Lacroix, présent en civil, qui s’interposait entre les CRS et les manifestants. Un peu après minuit, le commissaire Lacroix décède d’un infarctus à l’Hôpital Edouard Herriot.
Bilan de la nuit : 1 mort, 42 blessés et plus de 200 arrestations (dont 46 étudiants et 10 lycéens).
Max Moulins, préfet du Rhône de 1966 à 1972, fait une allocution le 27 mai. Le jour même, deux individus impliqués dans la mort du commissaire Lacroix sont arrêtés : un représentant de commerce domicilié à Vienne, Jacques Danuzo, et un Lyonnais, le fils du propriétaire du camion, Alban Joanin. Mais Jacques Danuzo et Alban Joanin sont relâchés, faute de preuves.
La 24 juin, Michel Raton, ouvrier agricole, est inculpé. Le 14 septembre c’est au tour de Marcel Munch. En mai 1969, un de leur compagnon de route est arrêté à leur tour, Robert Mougin. Ces trois sont des « trimards », c’est-à-dire des jeunes ouvriers aléatoires qui se fréquentaient par bandes dans les quartiers de banlieue, flirtaient avec la délinquance, et se déclarait « beatnik » terme non moins sulfureux.
Une campagne intense du Comité Lyonnais pour la Libération des Prisonnier Politique (CLLPP) s’affiche en leur faveur sur les murs de la ville. Le Comité va s’investir pendant trois ans pour dénoncer une procédure abusive contre des accusés sans défense, ni étudiants, ni syndicalistes, ni politiciens. Jusqu’au procès en assises.
Michel Raton et Marcel Munch passent devant les juges du 22 au 25 septembre 1970. Robert Mougin, remis en liberté en décembre 1969, est décédé quelques semaines plus tard dans des circonstances troubles. Deux jurés, militant syndicaux, vont particulièrement s’investir. Ils pointent les zones d’ombres de l’accusation.
On apprend ainsi que les camions « réquisitionnés » par les manifestants avançaient bennes levées et devaient déposer, au fur et à mesure, leurs chargements pour permettre aux étudiants de monter des barricades. La police aurait bloqué les deux premiers camions. Et c’est là que Raton aurait mis la pierre sur la pédale d’accélérateur du troisième camion.
Mais le témoignage du Dr Grammont, l’interne qui a accueilli le commissaire Lacroix à Grange Blanche, va faire basculer le procès. « Le médecin avait lu dans les journaux que le commissaire avait été renversé par le camion, ce qui lui avait brisé plusieurs côtes. Du coup, il avait décidé de venir spontanément à la barre pour dire que c’était faux et que le policier présentait tous les signes d’un infarctus. Et il a précisé que c’était lui qui lui avait brisé les côtes en faisant un massage cardiaque. Il a expliqué qu’un massage cardiaque manuel très vigoureux enfonçait les côtes. »
Raton et Munch ont été acquittés à Lyon le 25 septembre 1970 par les jurés au terme d’un procès médiatique, un procès tension, qui était aussi, un peu celui de mai 68.
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