Au royaume des imposteurs
Petite histoire des usurpations
Publié le 18/06/2018 à 12:07 - 16 min - Modifié le 20/06/2018 par Département Civilisation
On assisterait aujourd’hui à une explosion de fausses nouvelles qui circulent sur le web, un phénomène d’une telle ampleur qu’il serait à l’origine du concept de « post-vérité » ou « post-truth » ; c’est le néologisme que le dictionnaire de l’université d’Oxford a choisi de nommer mot international de l’année en 2016. La visibilité des fausses informations serait augmentée par les réseaux sociaux si bien que les fausses nouvelles finiraient pas avoir plus de poids - et de crédibilité - que les vraies et qu’il ne serait plus possible de distinguer le vrai du faux, jusqu’à mettre en crise la notion même de vérité. L’engouement récent pour la « post-vérité » interroge cependant. Des réalités nouvelles seraient–elles apparues pour que de nouveaux mots aient été créés afin d’en rendre compte ?
Pourtant, les mensonges, les détournements de vérité et les fausses informations existaient en politique bien avant l’ère du numérique.
Platon déjà contestait le relativisme des sophistes, capables, par la maîtrise et un usage dévoyé de la rhétorique, de défendre une idée et son contraire, de mener par induction vers des raisonnements viciés, sous les oripeaux de la vérité. Machiavel conseillait au XVIe siècle, dans un ouvrage resté célèbre, Le Prince : « Il n’est pas nécessaire à un prince de posséder toutes les vertus énumérées plus haut ; ce qu’il faut, c’est qu’il paraisse les avoir ».
Des fausses nouvelles, il y en a toujours eu. Qu’il s’agisse de canulars, calomnies, propagande, ignorance, tromperie, mensonge, croyance, notre vie sociale regorge d’informations, d’idées, d’affirmations qui ne correspondent pas à la vérité.
De l’Antiquité à nos jours, la figure de l’imposteur a accompagné l’histoire de l’humanité.
Au sommaire :
Petite galerie d’imposteurs et de rois revenants.
Figures d’imposteurs, figurants de l’histoire : de la permanence politique des usurpations.
L’imposture à la lumière de…
Petite galerie d’imposteurs et de rois revenants.
A un moment donné de leur vie, les usurpateurs se mettent à mentir. Élaboré ou en partie improvisé, le mensonge prend une telle place dans leur vie qu’il leur est très vite impossible de s’en extraire, d’où leur profond désir de faire peau neuve, de partir très loin à l’aventure et finalement de s’inventer une « nouvelle vie ».
Ces usurpations d’identité, loin de n’être qu’anecdotes en marge de la grande histoire sont révélatrices du climat d’une époque et donnent à voir les préoccupations, les attentes et les craintes des populations comme en témoignent les ouvrages suivants, parus récemment :
L’homme qui se prenait pour le roi de France :
Rien ne destinait Giannino Di Guccio, riche marchand siennois, à prendre place dans cette histoire rocambolesque popularisée par les « rois maudits » (Le lis et le lion de M. Druon). En 1354, âgé de 40 ans, il apprend qu’il est le fils de Louis X, écarté du trône par son oncle Philippe V le Long. Une incroyable aventure picaresque, entre Italie, Hongrie et France, où se mêlent fidèles et courtisans, profiteurs et faussaires, clercs et mercenaires, autour d’un antihéros, imposteur sincère et mythomane, manipulateur, victime consentante du vol de son existence. Une réflexion sur le pouvoir, un beau moment d’histoire savante approché et rendu largement accessible par le biais du récit .
Histoires véridiques de l’imposteur Giorgio del Giglio
Les aventures rocambolesques de Giorgio del Giglio, érudit toscan du XVIe siècle et bâtard. Un homme insolite et marginal qui chercha sa place d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Dans deux manuscrits lus à la loupe par Florence Buttay, l’homme se raconte, il s’invente aussi comme l’avait fait avant lui Marco Polo ou Jean de Mandeville qui n’avait jamais quitté Liège. Il a pourtant voyagé mais sûrement pas aussi loin qu’il le prétend ; il se construit une identité de marchand chrétien capturé par les barbaresques ayant renié sa foi pour embrasser l’islam de Soliman le magnifique. Dans les deux manuscrits qui tiennent à la fois de l’autobiographie, du récit de voyage, de l’encyclopédie et de la cosmographie, il expose ses idées religieuses et sa conception de la tolérance. L’histoire aussi d’une imposture qui en dit long sur la société où se meut l’imposteur.
Les déceptions des lendemains de la Restauration vont immédiatement susciter l’attente d’un prétendant : une trentaine de faux Louis XVII va cohabiter avec des faux Napoléon. C’est à ces derniers que l’auteur consacre une étude. Après une présentation de quatre imposteurs entre 1815 et 1843, une identification des points communs qui existent entre eux, notamment le profil psychologique, Nathalie Pigault s’attache à expliquer le succès de ces escroqueries, notamment par la ferveur populaire et la nostalgie des jours heureux de l’époque impériale, par la crédulité d’un peuple, accrue par la misère. La population prend une part active à l’émergence de ces escroqueries ; d’anciens soldats se transforment en artisans actifs de la légende impériale. On assiste à la naissance d’un romantisme politique populaire qui va précéder les exaltations littéraires du XIXe siècle. Le pouvoir royal fraichement restauré s’en inquiètera et organisera une répression sévère.
Voici une sélection de savoureux et vivants portraits de charlatans, faussaires, usurpateurs et autres manipulateurs qui prouve que la réalité est parfois plus difficile à admettre que la fiction
Entre le début du XVIIe et le XXe siècle, la Russie a connu plusieurs centaines de faux tsars et tsarévitchs dont l’un fut couronné. L’imposture s’est répandue dans toutes les sphères de la vie politique, sociale et culturelle du pays : fausse législation, faux dignitaires de la cour et de l’église, faux révolutionnaires, faux Lénine, faux fils de Staline… Dans la plupart des cas, l’accueil de la population leur fut favorable, et trois grandes insurrections généralisées à l’échelle de l’Empire se déroulèrent sous la bannière d’un faux tsar. L’imposture russe étonne par sa démesure, car les faits ici racontés tantôt arrachent un sourire franc, tantôt laissent un goût amer. Dans tous les cas, ils surprennent. Claudio Ingerflom reconstitue pour la première fois toute l’histoire de ce phénomène, sous la Russie autocratique puis communiste. Parce qu’il montre que l’imposture a été la norme politique pendant plus de quatre siècles, ce livre offre une histoire nouvelle de la Russie, soulignant ce qu’elle a de commun avec l’histoire européenne, mais aussi, en élucidant la spécificité de son histoire politique, ce par quoi elle est depuis toujours radicalement différente de la nôtre. (source éditeur).
Figures d’imposteurs, figurants de l’histoire : de la permanence politique des usurpations.
Les mythes politiques apparaissent dans des périodes critiques, dans des moments de crise d’identité, de malaise lié aux mutations de la société et du mode de vie. L’imposteur de société met sa personne au cœur de la tromperie, usurpe le nom, la qualité, le titre d’un autre en se faisant passer pour ce qu’il n’est pas. Éponge vivante des valeurs de son temps, il finit par se croire semblable à cette image construite dans le regard des autres. Il répond aux attentes d’une société.
D’étranges épisodes se manifestèrent dans l’Europe de la fin du XVIe siècle. Le roi Sébastien de Portugal, disparu au combat en 1578, devait revenir chasser les Espagnols de son royaume. Le prince Dimitri, héritier potentiel de la couronne impériale de Russie, mort obscurément en 1598, allait reparaître en 1604 pour revendiquer son trône. Ces deux aventures extraordinaires stupéfièrent les contemporains, qui, en dépit de l’éloignement des territoires et des différences culturelles, reconnurent l’analogie des situations. Le pape Clément VIII, apprenant l’apparition en Russie d’un Dimitri qui semblait défier la mort, avait dit en plaisantant : “Voilà un autre roi du Portugal ressuscité !”.
Le roi caché. Sauveurs et imposteurs, mythes politiques populaires dans l’Europe moderne
Jean Marie Bercé exhume ici des figures d’imposteurs célèbres, c’est l’occasion pour lui de tenter de circonscrire le profil psychologique de l’imposteur dans une société qui, à un moment de son histoire, le réclame de ses vœux et d’expliquer les raisons de la permanence de l’imposture politique, les conditions historiques qui la favorisent, d’élucider la simultanéité d’ étranges crises successorales.
Voici un extrait de sa brillante démonstration :
“Si l’imposteur demeure parfois conscient de son subterfuge n’oubliant pas son identité première, il lui faut alors dépendre sans cesse d’une double pensée. Il ressemblerait donc au naufragé pris pour roi que Pascal avait imaginé :
« Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi qui s’était perdu. Et ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. D’abord il ne savait quel parti prendre, mais il se résolut enfin de se prêter à sa bonne fortune ; il reçut tous les respects qu’on lui voulut rendre et se laissa traiter de roi ».
«Mais, comme il ne pouvait oublier sa condition naturelle, il songeait en même temps qu’il recevait ses respects, qu’il n’était pas ce roi que ce peuple cherchait et que ce royaume ne lui appartenait pas. Ainsi, il avait une double pensée : l’une pour laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son état véritable et que ce n’était que le hasard qui l’avait mis en place où il était. Il cachait cette dernière pensée, et il découvrait l’autre. C’était par la première qu’il traitait avec le peuple et par la dernière qu’il traitait avec soi-même ».
Cette parabole semble tout exprès affabulée pour dépeindre les situations d’attente et les reconnaissances imposées aux prétendants virtuels par la pression d’une impatience populaire. La similitude suggère que le prétendant décoré d’une royauté impromptue se trouve en face de l’opinion qui la couronne dans la condition du dignitaire en face de la Providence qui l’a distingué. L’un comme l’autre ont le devoir de se conformer au rôle qu’on attend d’eux et donc de garder pour le silence de leur cœur leur véritable indignité.
Ainsi la métaphore de Pascal, en se renversant, éclairerait la merveilleuse bonne confiance des prétendants, leur aptitude à persévérer, à convaincre et à endurer les pires épreuves au service de leur résolution.
La convention de morale de 1818 (date autour de laquelle on ne compte pas moins de quarante prétendants à l’identité de Louis XVII) voulait que les prétendants ne fussent inspirés que par l’ambition et la fourberie.
La collection des revenants royaux propose à nos yeux le mécanisme des délires paranoïdes. Le schéma que l’on veut suggérer est simple : les situations d’attentes collectives comme toutes les névroses sociales se révèlent capables de façonner les comportements ou, plus précisément d’engendrer des personnalités fantômes que le prétendant devra désormais assumer.
Pour reprendre les termes de la parabole, il faut supposer la rencontre d’un royaume insulaire en déshérence et d’un naufragé à l’image du roi, c’est-à-dire les conditions historiques et psychologiques qui d’une part déterminent l’attente d’un peuple et d’autre part prédisposeraient certains naufragés à être reconnus pour roi.
Le destin de l’usurpateur à un certain moment chavire. La construction de sa personnalité a tragiquement échoué, et son identité initiale s’est évanouie et a laissé la place dans un pauvre cerveau déserté à un fantôme puissant. Quelque traumatisme affectif a démantelé l’individuation du personnage. Dans son désarroi, des affabulations lui ont offert un réconfort et un nouveau récit biographique s’est constitué. Le refuge de l’égaré se meut en certitude. Un jour, il a pu avoir l’intuition soudaine de tout comprendre. Les mystères de sa tragédie ont trouvé des réponses. Cette personnalité neuve et brillante se heurte aux tracasseries des incrédules, mais chaque attaque confirme sa croyance et sa mission. Sa folie raisonnante emporte bien des adhésions auprès de ceux qui consentent à l’écouter. Dans ce processus délirant, on distingue deux points forts, la dépersonnalisation d’abord, puis l’intuition fulgurante qui découvre la nouvelle identité.
Le moment d’intuition serait comme l’achèvement du processus de la nouvelle individuation…
Le délire est raisonnant, informé, imperturbable. Le sujet cherche l’apaisement et l’équilibre dans son rêve ; il y trouve la survalorisation narcissique dont le traumatisme de la bâtardise l’a si cruellement privé. Il échappe au mépris de lui-même, à la désintégration de sa personnalité initiale; il accède à une esquisse de guérison. Une nouvelle biographie extravagante lui tient lieu de consolation, de raison de vivre ; et il y bascule sans retour.
Florimond de Raymond, conseiller au parlement de Bordeaux à la fin du XVIe siècle, avait remarqué l’étrangeté psychologique des sosies ou imposteurs rapportés par les chroniques. Il notait que ces délires varient selon les pays et que la folie politique pour certains italiens était de se prendre pour le pape..
L’explication par le délire paranoïde ne s’applique pas, il s’en faut, à tous les prétendants royaux. En effet, pour nombre d’entre eux, il a été possible de discerner des instigateurs et une conspiration, un apprentissage du rôle, des preuves d’un double jeu pur et simple ou, pour mieux dire, d’une étrange et complexe intrication de mensonges, de fabrication de rôle et de sincérité acquise. Les contemporains étaient tentés de dénoncer de telles machinations. En effet, le travail de forces malignes paraît toujours plus aisément figurable, plus facile à détester que l’impossible mise en cause d’une névrose politique. De la sorte, deux instances historiques, familières du prophétisme, ont attiré l’attention des observateurs, qu’ils fussent des esprits fort contemporains ou bien des historiens à la recherche de causalités commodes. Ce sont les juifs et les jésuites…”
L’imposture à la lumière de…
la psychanalyse
Revue française de psychanalyse :
“L’imposture est un thème auquel Andrée Bauduin s’intéresse depuis longtemps. Elle nous offre sur le sujet un ouvrage très dense, fruit d’une réflexion approfondie et subtile solidement étayée sur une très riche expérience clinique, dont elle sait nous faire partager le cheminement et les aléas avec une finesse et une sensibilité remarquables.
Elle souligne d’emblée que l’imposture présente des points communs avec les perversions sexuelles et narcissiques, mais elle va chercher à cerner, à travers une écoute exceptionnellement acérée et des constructions théoriques audacieuses, la profonde problématique identitaire qui caractérise l’imposture et débusquer les différentes facettes que celle-ci peut revêtir sous divers déguisements dans les cures.
Elle introduit son propos en notant l’existence d’un paradoxe fondamental de l’imposture : c’est la fraude, l’identité d’emprunt à laquelle adhère le sujet qui assure son sentiment d’identité personnelle. Ainsi, l’imposteur n’est pas seulement une personnalité narcissique recourant à des stratagèmes pour se faire admirer, ni un simple menteur : pour lui, le personnage illusoire qu’il a inventé est devenu vrai et il ressent le besoin vital d’en trouver confirmation dans le regard d’autrui. La réussite de la supercherie nourrit non seulement le triomphe sur l’autre, mais surtout le sentiment d’identité d’emprunt car le Moi s’est glissé dans celle-ci : “ Ce que cherche l’imposteur, c’est à faire vrai, faute peut-être d’avoir jamais pu être vrai. »
la philosophie
Suis-je ce que je dis être ? Existe-t-il des gens qui ne doutent de rien ? Comment prouver qu’un événement a bien eu lieu ? Telles sont les trois questions qui constituent le socle de l’imposture, ce quelque chose qui n’est pas à sa place. Non pas déplacé, mais mal placé. Un mot, un corps, le sens commun, une histoire, l’air du temps, bref, quelque chose qui dérange. Un tableau parfait et puis soudain, là, sous la loupe, une entaille, un détail révélateur : la toile est fausse, c’est une copie. Si je suis l’auteur du tableau, je me retourne pour contrôler que personne n’est là. Je veux être seul avec ça : j’ai un secret, je sais que l’image qui est devant moi n’est pas authentique. Dramatique ou comique, le désir de vouloir changer de peau accompagne tout un chacun et comme dans un voyage fantomatique, ce désir cherche à prendre corps : sommes-nous certains d’être les auteurs de nos propres vies ?
du cinéma : faux et images du faux :
L’époque des guerres de religion semble avoir été féconde en escroqueries et impostures ou, tout au moins , fort attentive à leurs péripéties. L’affaire Martin Guerre, cas de substitution par un sosie grâce à la complaisance d’une partie de la famille, fut très abondamment rapportée et discutée. La perfection atteinte par l’imposteur dérouta les témoins, embarrassa les juges et intrigua pour longtemps les commentateurs. L’audace extrême de Martin Guerre venait de ce que le personnage substitué était encore bien vivant, et qu’il fallait convaincre non seulement les voisins et parents, mais l’épouse elle-même. Le but poursuivi était fort simple : il s’agissait d’une classique captation d’ héritage. Les escroqueries les plus communes en ce domaine consistaient à arranger la survie du testataire, ou bien à faire jouer son rôle à un compère.
“Knock, un ex-filou repenti devenu médecin diplômé, arrive dans le petit village de Saint-Maurice pour appliquer une “méthode” destinée à faire sa fortune : il va convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s’ignore. Et pour cela, trouver à chacun la maladie réelle ou imaginaire dont il souffre. Passé maitre dans l’art de la séduction et de la manipulation, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais il est rattrapé par deux choses qu’il n’avait pas prévues : les sentiments du coeur et un sombre individu issu de son passé venu le faire chanter.”
Comédie grinçante, Knock dénonce la manipulation, qu’il s’agisse de médecine ou de toute idéologie, comme de n’importe quel commerce. Le comble étant atteint sans doute lorsque Knock indique dans la scène IX : « Que voulez-vous, cela se fait un peu malgré moi. Dès que je suis en présence de quelqu’un, je ne puis m’empêcher qu’un diagnostic s’ébauche en moi… même si c’est parfaitement inutile et hors de propos. À ce point que, depuis quelque temps, j’évite de me regarder dans la glace » et à cet instant, Knock est à côté d’un miroir, mais se retourne dans l’autre sens, pour ne pas s’y voir.
Au sortir de la Première Guerre mondiale, deux anciens Poilus, Édouard Péricourt (fils de la haute bourgeoisie, dessinateur fantasque, homosexuel, rejeté par son père) et Albert Maillard, modeste comptable, font face à l’incapacité de la société française de leur ménager une place. Démobilisés, Albert et Édouard, amers, vivent difficilement à Paris. Ces deux laissés-pour-compte se vengent de l’ingratitude de l’État en mettant au point une escroquerie qui prend appui sur l’une des valeurs les plus en vogue de l’après-guerre : le patriotisme. Ils vendent aux municipalités des monuments aux morts fictifs. Quant au lieutenant Pradelle, il profite des nombreux morts inhumés dans des tombes de fortune sur le champ de bataille pour signer un contrat avec l’État qui prévoit de les inhumer à nouveau dans des cimetières militaires, vendant « aux collectivités des cercueils remplis de terre et de cailloux, voire de soldats allemands ». Sans l’attente et la douleur des familles qui ne pouvaient faire le deuil d’un mari ou d’un fils disparu dont le corps n’avait jamais été retrouvé, ce « commerce » n’aurait pu éclore et devenir aussi florissant.
Frantz est un film dramatique germano-français écrit et réalisé par François Ozon, sorti en 2016. Il est librement inspiré d’une pièce L’homme que j’ai tué de Maurice Rostand, qui a elle-même été reprise dans le scénario du film américain L’Homme que j’ai tué (Broken Lullaby, 1932) de Ernst Lubitsch.
Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.
Adrien s’incarne inconsciemment dans le corps de Frantz pour conjurer sa disparition. Les parents et la dulcinée du trépassé échappent grâce à cette incorporation à un deuil trop douloureux.
Dans les années 60, le jeune Frank Abagnale Jr. est passé maître dans l’art de l’escroquerie, allant jusqu’à détourner 2,5 millions de dollars et à figurer sur les listes du FBI comme l’un des dix individus les plus recherchés des Etats-Unis. Véritable caméléon, Frank revêt des identités aussi diverses que celles de pilote de ligne, de médecin, de professeur d’université ou encore d’assistant du procureur. Carl Hanratty, agent du FBI à l’apparence stricte, fait de la traque de Frank Abagnale Jr. sa mission prioritaire, mais ce dernier reste pendant longtemps insaisissable…
Philippe Miller est un escroc solitaire qui vit sur les routes.
Un jour, il découvre par hasard un chantier d’autoroute abandonné, arrêté depuis des années par des écologistes qui voulaient sauver une colonie de scarabées.
L’arrêt des travaux avait été une catastrophe économique pour les habitants de cette région.
Philippe y voit la chance de réaliser sa plus belle escroquerie. Mais son mensonge va lui échapper.
Le film est adapté d’un fait divers réel qui a eu lieu à Saint-Marceau dans la Sarthe, à proximité du Mans, en 1997, où le chantier de l’autoroute A28 était arrêté à la suite de la découverte d’une espèce de scarabée protégée. L’escroc Philippe Berre se fit alors passer pour un entrepreneur chargé de reprendre les travaux et parvint à engager des ouvriers. Il finit par être arrêté et condamné à 5 ans de prison avant de récidiver à plusieurs reprises dans les années 2006-2010.
Le 9 janvier 1993, Jean-Marc Faure (inspiré de Jean-Claude Romand) a tué sa femme, ses enfants, ses parents puis a essayé, mais en vain, de se suicider. L’enquête a révélé qu’il n’était pas médecin comme il le prétendait depuis dix-huit ans et, chose plus difficile encore à croire, qu’il ne faisait rien de ses journées. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait plus supporter le regard.
N’a pas été évoqué à dessein l’âge d’or du “roman national” du XIXe siècle, avec ses présupposés discutables, voire ses erreurs historiques, ses mythes qui célébraient la glorieuse nation française et ses héros censés incarner un imaginaire historique, ce thème ayant déjà fait l’objet d’un précédent article.
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Bonjour,
Il est des gens naïfs qui croient que l’histoire est le récit exact des faits du passé. Ils semblent ignorer que le monde est, depuis longtemps, régi par le mensonge et que le désordre de la société actuelle en est la conséquence.
Il est curieux d’étudier comment cet ordre de choses a commencé, quels ont été les mobiles des premières erreurs voulues, et quels hommes, les premiers, ont eu l’audace de les écrire.
A toutes les époques, il y a eu des partis qui, voulant s’emparer d’un pouvoir auquel ils n’avaient pas droit, ont appuyé leurs prétentions sur une idée, un système, une théorie religieuse ou sociale, qu’ils ont propagée par violence, par fraude ou par ruse. Deux moyens furent notamment employés pour faire disparaître les témoignages gênants de la splendeur du régime féminin : la destruction et l’altération des textes.
L’ère de destruction s’ouvrit au VIIIème siècle. On précise même la date : cela commença en 747 avant notre ère, c’est-à-dire au moment où la classe sacerdotale se constitua.
Un roi de Babylone nommé Nabou-Assar, rempli d’un orgueil fanatique et irrité des éloges qu’il entendait prodiguer au régime antérieur, s’imagina qu’il suffisait de faire disparaître sa trace dans l’histoire pour remplir l’univers de son nom et rendre sa domination légitime. Il fit effacer toutes les inscriptions, briser toutes les tables d’airain et brûler tous les papyrus. Il voulait que l’époque de son avènement au trône fût celle qui commençât l’histoire. Et cette idée devait triompher ; l’histoire antérieure au régime masculin devait, pendant longtemps, être effacée.
Nous savons qu’une semblable idée était venue aux Romains, qui, après l’établissement d’une république qui ne laissait aucune place à la Femme, firent détruire les livres de Numa qui contenaient certainement des faits qui faisaient connaître le régime gynécocratique, encore existant à son époque.
Il paraît également certain qu’on fit aussi détruire les monuments et les écrits des Thraces et des Volsques.
Le souvenir d’un pareil événement s’est perpétué aux Indes. On sait assez qu’il eut lieu en Chine et que l’empereur Tsinchi-hoang-ti alla encore plus loin que Nabou-Assar, en défendant sous peine de mort de garder aucun monument littéraire antérieur à son règne.
Ce système est resté dans les habitudes de tous les conquérants, de tous les usurpateurs, il a même pris des proportions formidables dans les religions modernes.
N’oublions pas que la fameuse Bibliothèque d’Alexandrie a été brûlée trois fois, que les papes chrétiens ont fait détruire un grand nombre de monuments antiques, que les archives du Mexique et celles du Pérou ont disparu pour satisfaire le zèle fanatique d’un évêque espagnol.
Puis, lorsque ces partis triomphaient, ils avaient soin d’abord d’écrire l’histoire passée, la montrant comme une longue préparation de leur triomphe qu’ils justifiaient par une aspiration des foules existant depuis longtemps.
Pour répandre l’histoire ainsi écrite, ils créaient un enseignement obligatoire dans lequel ils ne manquaient pas d’avilir leurs ennemis, ceux qu’ils avaient vaincus et qu’ils représentaient toujours comme des barbares ou des gens de mauvaises mœurs. Eux-mêmes se représentaient comme des sauveurs apportant tous les progrès.
Or, tout cela était mensonge et il importe aujourd’hui de rechercher la vérité cachée, c’est-à-dire le plaidoyer des vaincus, leur véritable état social et moral.
En rétablissant le rôle de la Femme dans l’histoire, en rectifiant les falsifications des textes, nous retrouvons une science grandiose, nous refaisons la véritable évolution humaine et nous l’envisageons non seulement dans le passé, mais dans son avenir, car la science a une grande puissance, celle de faire connaître le futur, par des déductions infaillibles du passé.
Partout la vérité s’imposa à la Femme Divine, et partout Elle la déposa dans les Livres devenus sacrés. En comparant entre elles toutes ces Ecritures, nous y trouvons les mêmes récits, mais avec des altérations différentes.
Cependant, les altérations sont si grossières, si maladroites, si inintelligentes, qu’il ne faut pas une science bien profonde pour les rectifier, il faut seulement de la bonne foi, ce que n’ont pas toujours les savants modernes qui continuent l’œuvre du Prêtre, en laissant dans les textes des noms d’hommes sur des personnages d’une féminité certaine, le mot Dieu où il faut Déesse, le masculin pour le féminin. C’est une habitude prise, un accord tacite entre tous les hommes qui craignent de donner à la Femme des idées d’émancipation ou de revendication qui épouvantent le sexe mâle comme une menace.
Une autre méthode nous donne des résultats certains. C’est celle qui se base sur les différences de la mentalité chez les deux sexes. L’homme et la femme ne pensent pas de même, ne parlent pas de même, leurs sentiments diffèrent, leurs intérêts sont dissemblables. L’Esprit de la Femme est voué à la pensée abstraite, l’idée vient d’Elle, elle est la manifestation d’une réserve nerveuse génératrice des facultés cérébrales spéciales à son sexe. L’homme ne fait pas cette réserve, il dépense sa vie, les éléments de sa spiritualité, pendant son évolution sexuelle. La Femme possède un au-delà cérébral qui lui permet de trouver et de comprendre les causes cachées qui régissent la Nature. L’homme ne peut trouver par lui-même ces causes, son champ cérébral ne s’étend pas jusque là, il voit des faits isolés, ne les enchaîne pas en longues théories, seule façon de prouver, il ne classe pas les faits, mais généralise sans ordre.
C’est parce qu’il sait qu’il n’a pas cette faculté créatrice des idées abstraites qu’il s’appuie sur la Révélation, cette voix du dehors qui lui dit ce qu’il faut croire.
Quand des hommes plus audacieux que les autres voulurent s’élever jusqu’à l’Esprit féminin, ils s’égarèrent dans les nuages de l’imagination, perdirent la notion du réel, grossirent les objets, amplifièrent les choses, dépassant les limites ou retombant lourdement dans les minuties de la vie matérielle ou dans le délire de la vie sentimentale et sexuelle. Les ailes artificielles de ces Icares ne les ont jamais élevés bien haut. Du reste, n’oublions pas que c’est l’intérêt qui dicte les actions de la vie humaine, non l’amour de la vérité.
Nous allons donc étudier l’histoire cachée, falsifiée, dénaturée, chercher la source lointaine de nos croyances, de nos traditions, de nos préjugés ; nous allons nous efforcer d’éclairer les hommes sur les erreurs du passé, de les rectifier et de rétablir partout le rôle glorieux de la Femme, effacé par les Prêtres de toutes les religions et les misogynes de tous les pays.
Nous nous appliquerons surtout à révéler aux hommes de bonne foi les œuvres de l’esprit féminin, nous essaierons de leur faire connaître la science cachée, les livres condamnés. Nous sortirons de l’oubli les vérités étouffées et nous mettrons en pleine lumière l’histoire si attachante des Mystères de l’antiquité.
Cordialement.