100 ans de jazz

James Reese Europe et le Harlem Hellfighters Band

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - par Luke Warm

Alors que la guerre fait rage, James Reese Europe débarque à Brest avec son orchestre des Harlem Hellfighters, et avec lui, c'est le jazz qui est introduit en France.

James Reese Europe est né à Mobile, en Alabama, le 22 février 1881. A 9 ans, sa famille s’installe à Washington, DC, où ils vivent à quelques pas de la résidence de John Philip Sousa, célèbre compositeur de marches militaires (dont Stars and Stripes Forever, la marche officielle des États-Unis) et chef d’orchestre du United States Marine Band. Sous l’impulsion de Sousa, le Marine Band s’ouvre à la communauté noire de Washington, ses membres enseignant à des enfants noirs prometteurs. Parmi eux se trouvait le jeune James Reese Europe, qui reçut des cours de piano et de violon.

En 1904, James Reese Europe se rend à New York où il dirige différents shows. En 1910, il organise un syndicat de musiciens noirs, le Clef Club qui devient aussi un orchestre qui ne joue que de la musique écrite par des compositeurs noirs. En 1912, le Clef Club Orchestra est le premier groupe à jouer du proto-jazz au Carnegie Hall. L’engagement de James Reese Europe pour faire reconnaître les droits de sa communauté lui vaudront le surnom posthume de « Martin Luther King de la musique ».

Au cours de l’été 1916, près d’un an avant l’entrée en guerre de l’Amérique, un nouveau régiment de la Garde nationale de New York est formé, entièrement composé d’afro-américains et de portoricains. En septembre, James Reese Europe s’engage comme soldat et est immédiatement assigné à une compagnie de mitrailleuses. À cette époque, Jim Europe avait développé de solides relations avec des musiciens comme James Herber (Eubie) Blake et Noble Sissle, et convainquit son commandant de l’importance de la musique et des parades dans le maintien du moral des troupes et réussit à organiser un orchestre de 44 musiciens au sein du 15ème régiment.

Sur fond de discrimination persistante, d’humiliations et d’incidents racistes, le régiment est finalement envoyé en France où il arrive, dans la rade de Brest, sur le USS Pocahontas, le 27 décembre 1917 sur fond de Marseillaise jouée à sa manière par l’orchestre du régiment… sans que les soldats français ne reconnaissent leur propre hymne nationale. C’est ainsi que le jazz arriva en France…

Le peu de confiance que les responsables militaires américains accordaient aux soldats noirs les cantonne à des tâches de ravitaillement ou de manutention ou au divertissement des soldats en permission. Mais le commandement militaire français, en manque de troupes, exige alors leur incorporation auprès de la 161e division d’infanterie française qui devient le  369e régiment d’infanterie. Après avoir été les premières troupes de combat afro-américaines à mettre le pied sur le sol français, les « Harlems hellfighters », surnom donné par les soldats allemands impressionnés par leur courage, seront aussi les premières troupes américaines à franchir le Rhin mais coiffées du casque Adrian des poilus.

C’est dans ces combats que James Reese Europe fut victime d’une attaque au gaz puis transféré dans un hôpital de campagne dans lequel il composa l’un de ses morceaux les plus connus : On patrol in no man’s land, inspiré par son expérience sur le front.

Dans les derniers mois de la guerre et ceux qui suivirent l’armistice, l’orchestre de James Reese Europe contribua à faire s’implanter le ragtime en France grâce à d’innombrables concerts (dont un au Théâtre des Champs-Éysées) devant un public fasciné et nombreux, le jazzman l’estimant à plus 50 000 spectateurs au total.

Partout, l’accueil est chaleureux : « Je suis certain que la plus grande partie de la foule n’avait jamais entendu un morceau de ragtime […]. Il sembla alors que tout le public commença à se balancer. De dignes officiers français commencèrent à taper du pied […]. Quand l’orchestre eut fini et que les gens éclatèrent de rire, leurs visages illuminés de sourires, j’étais forcé d’admettre que c’était exactement ce dont la France avait besoin dans ce moment critique. » (Noble Sissle)

C’est aussi en France que les «  Harlem Hellfighters » gravèrent leurs premiers enregistrements pour Pathé Records.

De retour à New York, libéré du service actif le 25 février 1919, il continue à enregistrer pour Pathé avec ses fidèles amis Noble Sissle et Eubie Blake mais est tué d’un coup de couteau dans le cou, le 9 mai 1919 à Boston, par un de ses batteurs, Herbert Wright, qu’il venait de réprimander. Au moment de sa mort, il était le chef d’orchestre afro-américain le plus connu aux États-Unis.

 

James Reese Europe dans la série Frères d’armes :

 

Un documentaire sur les Harlem Hellfighters :

Les Harlem Hellfighters deviendront un véritable mythe dans l’histoire afro-américaine et la pop culture y fera régulièrement référence que ce soit Max Brooks (populaire auteur de “World War Z”, “Guide de survie en territoire zombie”) qui leur consacre une BD dont les droits ont déjà été rachetés par Will Smith dans l’optique d’une adaptation au cinéma ou dans le jeu vidéo Battlefield 1.

 

 

 

 

 

 

Pour aller plus loin sur les débuts du jazz en France :

Laurent Cugny “Une histoire du jazz en France : Du milieu du XIXe siècle à 1929

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