Mon oncle est reporter
Vincent Farasse
lu, vu, entendu par le département Arts Vivants à la médiathèque de Vaise - le 16/10/2014
A travers plusieurs histoires croisées, Vincent Farasse propose dans sa pièce une réflexion sur le monde de l'entreprise et sur notre société moderne.
La pièce raconte l’histoire de Camille, qui vit à Lille et travaille à Bruxelles. Il prend le train tous les jours. Il travaille comme consultant et n’en peut plus. Un jour, Delphine, une jeune femme pleure pendant le trajet. Ils tombent amoureux l’un de l’autre alors qu’ils sont tous les deux en couple.
L’écriture et le jeu sur les répétitions sont intéressants. Le récit n’est pas linéaire, les histoires se croisent et le temps aussi. L’auteur juxtapose des situations qui finissent par s’assembler comme dans un puzzle et révèle l’histoire des personnages.
Avec peu d’échanges et beaucoup de subtilité, l’auteur sait aller au cœur même de l’intime.
L’écriture est fluide et simple. Des passages très drôles. Une pièce émouvante !
EXTRAIT
Camille, Delphine.
CAMILLE : Ça n’avait pas d’importance pour moi. Nous étions ensemble depuis sept ans. J’étais heureux avec elle. J’étais sûr de mes sentiments. Sûr des siens. Nous habitions ensemble. Je n’avais pas besoin de plus. Moi je ne me serais pas marié. Je voyais le mariage comme une garantie. Une sorte de contrat. C’est ça d’ailleurs, un contrat de mariage. Et je ne sais pas, j’ai toujours eu l’impression qu’un contrat, quel qu’il soit, était un acte de méfiance. Je n’avais pas besoin de contrat. Je n’en avais pas besoin.
DELPHINE : Et donc ?
CAMILLE : Pour elle c’était très important. Sa famille est catholique. Ça avait de l’importance pour elle. Je ne sais pas si elle est croyante mais elle a été élevée avec un certain sens du rituel. Moi j’ai eu une éducation complètement déritualisée. J’ai toujours regardé ce genre de chose avec un petit sourire vous savez, un peu libre penseur. Mais pour elle ça avait du sens, beaucoup de sens. C’était très important. Et comme pour moi ça ne l’était pas, j’ai fini par dire oui. Et là…
DELPHINE : Oui ?
CAMILLE : Ça a été très étrange. Je me réjouissais surtout à l’idée d’une grande fête avec la famille, les amis, je pensais plutôt à la rigolade et au bon repas qu’à la cérémonie, je m’attendais à la passer tranquillement, comme ça, comme une formalité.
DELPHINE : Ce n’est pas ce qui s’est passé ?
CAMILLE : Quand je me suis avancé vers l’autel, c’était ma mère qui me donnait le bras, et elle je sais ce qu’elle en pense aussi, des rituels, la religion, tout ça, je savais qu’elle aussi avait un petit sourire en coin… Mais au moment du rituel, au moment où nous avons échangé nos bagues, au moment où nous avons été unis… J’ai fondu en larmes. Mais pas des larmes discrètes qui coulent comme ça quand on est un peu ému, non. J’ai éclaté en sanglots et j’ai pleuré, pleuré comme jamais je n’avais pleuré. Des sanglots qui venaient de loin, de très loin. De la poitrine, du ventre. Je n’avais jamais ressenti ça. Elle aussi s’est mise à pleurer. A pleurer fort, très fort. Et j’ai eu l’impression que d’autres gens commençaient à pleurer derrière nous. Nos pleurs étaient tellement profonds qu’ils se communiquaient. Et à ce moment-là, j’ai senti que quelque chose s’unissait entre nous deux. Quelque chose s’unissait dans nos corps, dans nos émotions. Quelque chose de très fort. Je ne suis pas croyant, mais ce jour-là, j’ai senti ce que ça signifiait, les liens sacrés du mariage.
DELPHINE : Je ne suis pas mariée.
Silence.
POUR ALLER PLUS LOIN
Biographie de l’Auteur [Site web]
Critique de la pièce [Site web]
Ecoute de la version radiophonique de la pièce Mon oncle est reporter de Vincent Farasse sur France Culture [Podcast]
Bibliographie de pièces sur le travail [Article en ligne]
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